❧ Epistre VIII. à Monsieur de Saint Jan de Laon
Si j’entreprens de rechef vous escrire,
Noble Seigneur, ce n’est point pour vous dire
Chose qui soit digne de vostre grace.
Le cas n’est point de si haute efficace,
Qu’il soit de vous receu comme secret ;
Mais c’est que j’ay quelque peu de regret
De n’avoir peu congnoistre aucunement
Le messager, à qui fidelement
Depuis un peu je donnay quelque lettre,
Pour humblement entre voz mains la mettre.
Et pour celà tresgrandement je crains,
Que point ne soit tombée entre voz mains,
Ou de long temps on ne la vous presente.
Voylà pourquoy j’envoye la presente,
A celle fin (pour mieux executer)
Que je me puisse envers vous acquiter,
Et cognoissiez que j’ay faict mon devoir.
S’il est ainsi que ne l’ayez peu voir,
Vous ne pourrez ma volunté cognoistre ;
Vous ne pourrez sçavoir si je dois estre
Vostre sujet et humble serviteur ;
Vous ne pourrez cognoisttre le bon cueur
Le bon vouloir et grande affection,
Que j’ay de faire à vostre intention ;
Mais (
monseigneur) alors vous le sçaurez,
Quand les effectz de mon service aurez.
Et si malheur (à tous bons cœurs contraire)
Veult que mon cas ne se puisse bien faire,
Ce nonobstant je me tiendray tousjours
De voz servans jusqu’à mes derniers jours,
Vous supliant (
Seigneur prudent et sage)
D’avoir plustot esgard au bon courage,
Et plustot voir du cueur l’intention,
Que l’escriture ou composition.
Mai si espoir quelquefois me contente,
Je feray mieux : de celà je me vante.